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Landry Rivière, président de l’OP Ouest’Lait (Sunlait) « La volonté d’aboutir à la signature d’un nouveau contrat avec Savencia »

Landry Rivière, à la tête de 120 vaches dans la Manche avec son frère, est président de l’OP Ouest’Lait qui rassemble 530 exploitations de la Manche et d’Ille-et-Vilaine pour 345 Ml livrés à Savencia en 2023. L’OP est la plus importante des six OP de Sunlait (600 Ml et 950 adhérents).

Dans sa décision du 19 février, le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles impose à Sunlait et Savencia de revenir autour de la table pour négocier un nouveau contrat-cadre. La prolongation du contrat actuel jusqu’au 31 octobre 2024 fait baisser la pression.

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Que vous apporte la décision prise le 19 février par le comité de règlement des différends ?

Landry Rivière : La prolongation par le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA) jusqu’au 31 octobre 2024 du contrat-cadre avec Savencia donne une vision à plusieurs mois aux producteurs. Dénoncé il y a deux ans par l’industriel, il devait arriver à échéance le 8 mars pour les 530 exploitations adhérentes de l’OP Ouest’Lait. Le devenir de la collecte à très court terme était incertain, ce qui était anxiogène. Trois autres OP de Sunlait étaient concernées par l’échéance de mars : les APL Nord-Aquitaine et Sud-Gascogne et le Groupement de producteurs de lait de la vallée du Dropt. Cette prolongation donne également plus de temps à Sunlait pour négocier un nouveau contrat-cadre. Enfin, le comité dit clairement sa volonté de faire appliquer la loi Égalim. Depuis deux ans, l’industriel fixe unilatéralement le prix de base, ce qui n’est pas conforme à Égalim 2 qui exige une négociation entre producteurs et industriels en amont de celles avec les GMS françaises. Les services de la Répression des fraudes se saisissent d’ailleurs sérieusement de ce sujet depuis plusieurs mois à l’échelle nationale.

Quel est l’état de votre relation avec Savencia ?

L. R. : Un autre grand mérite de la décision du CRDCA est d’obliger l’entreprise à revenir autour de la table des négociations avec Sunlait. Elle le refusait jusque-là. Le comité l’impose via le prix de base qui sera payé jusqu’en octobre. Il lui demande d’argumenter avant le 19 mars son refus ou ses modifications à la formule de prix que nous avons proposée le 14 avril 2023 (50 % sur le prix de revient des producteurs et 50 % sur ses marchés), ce qu’elle n’a pas voulu l’an passé durant la médiation de quelques mois.

Le comité reconnaît de ce fait le rôle de Sunlait dans la défense du prix du lait et des volumes. Savencia s’est employée, ces derniers mois, à contourner les OP adhérentes de Sunlait, dont Ouest’Lait.

Comment Savencia a-t-il essayé de contourner Ouest’Lait ?

L. R. : Le groupe a démarché individuellement les producteurs pour les inciter à rejoindre l’OP et la coopérative voisines ou pour leur proposer un contrat individuel, ce qui est inadmissible. Un des moyens utilisés était de bloquer les attestations de nouveaux volumes contractuels dont les jeunes installés et les producteurs investisseurs avaient besoin pour obtenir leurs financements bancaires. La prolongation du contrat jusqu’au 31 octobre permet heureusement la remise en route des attributions et mutualisation de volumes. De plus, c’est désormais l’OP Ouest’Lait qui établira le document de volume contractuel. À ce jour, seuls vingt producteurs ont exprimé leur intention de quitter Ouest’Lait. La cohésion des adhérents dans le moment de tempête que nous traversons a joué positivement dans la décision du CRDCA.

Que se passera-t-il si les discussions entre Sunlait et Savencia n’aboutissent pas à la signature d’un nouveau contrat ?

L. R. : Nous voulons y croire. Nous avons la volonté pour aboutir. L’histoire montre que, dans le monde des affaires, il est possible d’être raisonnable malgré les conflits passés. Le groupe Savencia lui-même le démontre. Il travaille aujourd’hui avec Sodiaal alors qu’il s’est opposé à la coopérative pour devenir majoritaire dans la Compagnie des Fromages & Richesmonts. En outre, plus les discussions traîneront, moins il y aura de volumes de lait à contractualiser. Sunlait, qui totalise 600 Ml, vient de trouver un accord portant sur un peu plus de 60 Ml avec le groupe coopératif normand Maîtres laitiers du Cotentin. Une grande partie approvisionnera sa filiale Yéo Frais, située à Toulouse, à partir des trois OP du Sud-Ouest. Les livraisons devraient commencer le 1er novembre. Il reste à finaliser le contrat-cadre. Là encore, le CRDCA nous aide. Jusqu’à présent, il était possible de se constituer en association d’OP à condition de contractualiser avec un seul acheteur. Le comité lève cette contrainte. Malgré cela, nous restons à 90 % économiquement dépendants de l’industriel.

Pourquoi Sunlait a-t-elle déposé une demande de pourvoi en cassation dans la procédure judiciaire qui l’oppose à Savencia ?

L. R. : À la suite du délibéré de la cour ­d’appel de Caen, la date butoir de dépôt de la demande était le 11 février, c’est-à-dire avant les notifications du CRDCA. À ce moment-là, la relation avec Savencia était coupée. Le seul outil qu’il nous restait pour obliger le groupe à discuter était le pourvoi en cassation. Nous le considérons toujours comme un outil. Lui aussi, d’ailleurs, aurait appliqué cette stratégie s’il avait perdu en appel. Sunlait lèvera le pourvoi à la signature d’un nouveau contrat-cadre.

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